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Les IDEX au pays des regroupements universitaires

mercredi 21 janvier 2015, par GGB

De nouvelles données

J’ai donné quelques indications dans ce billet sur les inégalités que faisaient apparaître les données récoltées par l’AEF à propos des regroupements universitaires. Dans son édition datée d’aujourd’hui, Le Monde a publié une intéressante infographie (partiellement disponible ici) qui permet de jeter un nouveau regard sur ces regroupements.

Comme hier, je joins à ce billet le fichier avec les données recueillies [1]. Avec le logiciel R (que je me suis remis à utiliser récemment), et avec toutes les réserves qu’impose le faible nombre de données, on peut passer ces denières à la moulinette d’une analyse en composantes principales. Cette dernière permet de mettre en avant trois types de facteurs :

  • celui de la taille du regroupement en fonction du nombre d’étudiants (il est neutralisé dans cette ACP car les données ont été centrées-réduites).
  • celui du poids (statistique !) des enseignants-chercheurs et des docteurs ;
  • une opposition entre le poids des chercheurs, des titulaires d’un financement ERC ou de l’Institut universitaire de France et celui des étudiants.

En fait, il y a donc bien deux facteurs qui se combinent : un effet "taille du potentiel" et un effet "reconnaissance du potentiel" qui est décorrélé du nombre d’étudiants.

Pour l’exprimer avec une métaphore automobile, ill y aurait donc :

  • Les poids lourds fortement reconnus
  • Les poids lourds qui ne pèsent pas assez
  • Les bolides (Paris Sciences et Lettres, en fait)
  • Les véhicules légers

Et le PIA dans tout cela ?

Dans le graphique ci-dessus, j’ai maladroitement entouré en bleu les regroupements qui abritent déjà un IDEX (les Initiatives prometteuses HESAM et Université de Lyon sont soulignées en pointillées).

De manière générale, les IDEX sont des regroupements qui cumulent un grand nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs et dont la recherche est fortement reconnue. Si j’interprète bien les choses, Paris-Saclay cumule une taille très importante et une très forte reconnaissance. La recherche lyonnaise n’est pas reconnue à la hauteur de ... la taille de son potentiel.

Bien entendu, on touche là les limites de l’exercice puisque l’une des variables est constituée des fonds perçus grâce au ... PIA. Aussi l’« effet [Saint] Matthieu » risque-t-il de jouer à plein. L’autre risque est celui d’une segmentation entre de grands regroupements de recherche, de grands regroupements d’enseignement et de petits regroupements. Bien sûr, ce schéma est connu mais toute la question est de savoir s’il sera figé par l’IDEX 3 ou comment il évoluera. Paradoxalement, je pense que ce sont les grands regroupements sans forte reconnaissance de leur recherche qui risquent d’avoir le plus de problèmes (pour l’instant : Lille-Nord de France, Bretagne et, dans une moindre mesure, Centre). Mais c’est peut-être le reflet d’une inquiétude toute personnelle.

J’ajoute ici un dernier graphique qui représente en abscisses le financement PIA reçu et en ordonnées ce même financement PIA par enseignant-chercheur.

Ce que j’en conclus, c’est que dans une large mesure les jeux semblent faits : Grenoble ou même Montpellier semblent déjà faire partie du club. Tout le travail de préparation de la vingtaine de candidats à l’appel à projets qui vient de se clore est-il donc vain ? Sans doute pas, puisque la qualité des dossiers va jouer. Mais, à qualité égale, il faut aussi reconnaître que le choix aura indéniablement une dimension politique. Des questions d’aménagements du territoire vont se poser et non pas seulement dans des termes "d’équité" ou de "lots de consolation". Faudra-t-il choisir entre Lyon et Grenoble ? Cela aurait-t-il un sens d’avoir quatre IDEX méridionaux tous les 200km (en termes de collaborations avec d’autres pays) ? Jusqu’à quel degré peut-on pousser l’hyperconcentration en région parisienne, un des traits historiques de la construction de notre espace national de recherche et d’enseignement supérieur ? Sans compter, il est vrai, les effets de lobbying.

On peut penser ce que l’on veut des IDEX (et notamment qu’ils n’apporteront pas de solution pérenne au problème de financement de l’ESR, j’y reviendrai) mais on ne peut nier qu’ils auront des conséquences de long terme sur la structuration de l’ESR dans notre pays.


[1Les données relatives aux étudiants sont légèrement différentes entre celles recueillies par l’AEF et celles recueillies par Le Monde. Les trois premières colonnes du fichier renvoient aux données de l’AEF