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« Si j’étais président, de l’établissement public »
D’une élection à l’autre
Une analyse des résultats des élections aux conseils centraux de l’Université de Lille
samedi 13 novembre 2021, par
Les urnes ont parlé. Elles doivent parler à nouveau. Pour ne pas entièrement dépendre des personnalités extérieures, la future élection à la Présidence de l’Université de Lille pourrait nécessiter des coalitions. Encore faut-il que ces dernières reposent sur des bases cohérentes et transparentes.
Les élections aux conseils centraux de la nouvelle Université de Lille se sont tenues du 8 au 10 novembre. Particulièrement importantes pour l’établissement, ses personnels et ses usagers, ces élections le sont aussi pour son environnement. Comment ne pas se soucier du sort d’une université de plus de 80000 étudiant.e.s, de plus de 8000 personnels, forte d’une budget dépassant les 600 millions d’€ ? Ce billet tente donc d’apporter un éclairage sur ce scrutin qui concernait les trois conseils centraux de l’Université.
Toutefois, on se penchera ici sur le résultat des élections au conseil d’administration, qui procédera dans moins d’un mois à l’élection du président ou de la présidente. D’ici là, le nouveau conseil d’administration va d’abord être complété par des personnalités extérieures élues avant de procéder, dans sa formation plénière, à l’élection du président ou de la présidente. S’il n’est jamais facile d’interpréter des résultats électoraux - dans la mesure où les électeurs peuvent parfois avoir des motifs contradictoires et où les considérations personnelles peuvent s’avérer déterminantes -, ces derniers font toutefois apparaître des lignes de force qu’il n’est pas inutile de souligner en vue des échéances prochaines.
Des résultats éclatés mais pas façon puzzle
Nom de la liste | Collège A | Collège B | Collège BIATS | Nombre total de voix obtenues | Pourcentage | Nombre de sièges |
Élan collectif | 418 | 460 | 388 | 1266 | 33,08 % | 9 |
Pour une alternative à l’Epex | 103 | 508 | 434 | 1045 | 27,31 % | 6 |
Servir l’université de Lille | 166 | 300 | 237 | 703 | 18,37 % | 4 |
Si notre avenir était l’humain ! | Pas de candidat | Pas de candidat | 280 | 280 | 7,32 % | 1 |
La forge tranquille | Pas de candidat | Pas de candidat | 181 | 181 | 4,73 % | 1 |
Collectif Cari-Bou | Pas de candidat | Pas de candidat | 153 | 153 | 4,00 % | 1 |
Sgen | Pas de candidat | Pas de candidat | 115 | 115 | 3,00 % | 0 |
Sunir | Pas de candidat | Pas de candidat | 84 | 84 | 2,19 % | 0 |
Total | 687 | 1268 | 1872 | 3827 | 100,00 % | 22 |
L’examen des résultats sur les collèges A, B et BIATS fait apparaître plusieurs éléments :
– De manière globale, la participation est moyenne. Sur les 6917 inscrits, on dénombre 4107 votants soit une participation de 59%. En 2017, pour les élections de l’Université de Lille (dans l’ancien périmètre), ce taux avait été de 63% [1]. On aurait pu imaginer qu’un tel scrutin, qui pose les bases d’un nouveau type d’établissement, suscite plus d’intérêt.
– Les résultats s’avèrent presque inversés en rang A, d’une part, et en rang B et BIATS de l’autre. Cela dénote d’une ligne de facture dont tous les candidat.e.s à la présidence devront avoir conscience. Ce constat confirme malheureusement le diagnostic d’une communauté divisée.
– Au global, la liste « Élan collectif » l’emporte avec un tiers des voix sur l’ensemble des collèges des personnels. Elle devance la liste « Alternative ... » de plus de 200 voix et la liste « Servir » de plus de 550 voix. Pour autant, malgré le jeu des primes majoritaires, qui s’est retrouvé neutralisé de facto, elle ne parvient pas à obtenir la majorité absolue chez les personnels. Pour cela, il faudrait qu’elle obtienne le soutien de l’ensemble des listes BIATS qui n’ont pas porté de candidat.e.s en collège A et B, ce qui est peu probable.
– La liste « Alternative ... » est première en collège B et BIATS. Pour autant, son résultat en collège BIATS apparaît quelque peu en retrait par rapport aux élections antérieures : alors qu’en 2017 les voix de la FSU et de la CGT représentaient plus de 28% des suffrages exprimés en collège BIATS, la liste « Alternative... » atteint 23% des suffrages en 2021.
– Le vote électronique empêche toute analyse bureau de vote par bureau de vote.
Ces chiffres inspirent quelques enseignements plus politiques :
– L’EPE n’a pas suscité l’enthousiasme, ni pour, ni contre, comme l’atteste l’augmentation de l’abstention ;
– La liste s’étant clairement opposée à l’EPE ne recueille pas la majorité des personnels. Cela ne signifie pas pour autant que les suffrages qui se sont portés sur des listes pro-EPE (« Élan collectif » et « Servir ») aient nécessairement été des votes d’adhésion à l’EPE mais il n’y a pas de majorité pour l’alternative qui était clairement une sortie de l’EPE.
– Derrière les oppositions de liste, ne retrouve-t-on pas des oppositions de composantes ? Cela n’est pas évident même si les listes reposent sur des points d’appui assez identifiables. Ainsi, si l’on étudie les soutiens de la liste « Servir » on note que plus de 25% des soutiens proviennent de la FST et 17% de la FASEST, composantes de l’ex-Université Lille 1. Si l’on fait le même exercice pour la liste « Élan collectif », plus de 25% des soutiens proviennent de l’UFR3S (Santé) et environ 15% de la FST [2]. Si certaines composantes semblent nettement pencher pour certaines listes, d’autres sont plus divisées. La fusion des universités a fait son œuvre et il semble bien exister une dynamique inter-campus.
Les résultats du collège Usagers
Avec un taux de participation de 10,44% les élections du collège Usagers se caractérisent pas un très fort taux d’abstention, malheureusement assez habituel en la matière. Toutefois, contrairement aux élections des personnels, ces élections ont vu une progression du taux de participation de deux points par rapport à 2017 (il était alors de 8,47%).
Nom de la liste | Nombre de voix | Pourcentages | Nombre de sièges |
Unef et Alter’Eco | 2065 | 32,66 % | 2 |
FSE et Solidaires pour une alternative à l’EPE | 1344 | 21,26 % | 1 |
InterAsso | 1220 | 19,30 % | 1 |
Gallil’ & Vous | 736 | 11,64 % | 1 |
UNI | 628 | 9,93 % | 1 |
Active ta Fac | 329 | 5,20 % | 0 |
Total | 6322 | 100,00 % | 6 |
Ces résultats font, en effet, apparaître des évolutions importantes :
– Tout d’abord l’UNEF et la liste AlterEco parviennent à effacer l’échec de l’UNEF de 2017. Cette année-là, l’UNEF avait obtenu 920 voix et un seul siège au conseil d’administration. Au-delà de l’apport des voix de la liste AlterEco (centrée, je crois, sur le périmètre de Sciences Po Lille), la progression est très notable.
– À l’opposé du spectre politique, l’élection voit l’entrée de l’UNI au Conseil d’administration. Là encore, la progression est importante puisque l’UNI n’avait recueilli que 356 voix en 2017.
– La liste « InterAsso » recule nettement par rapport à 2017, où elle avait obtenu 2875 voix et 3 sièges au CA.
Là encore, quelques enseignements semblent se dessiner :
– Au-delà de l’abstention massive, les syndicats étudiants classiques semblent retrouver une dynamique perdue.
– Pour celles et ceux qui se sont exprimés, les étudiantes et les étudiants sont majoritairement opposés à l’EPE. Cela montre bien que ce projet ne les a pas convaincu.e.s, sans doute parce qu’il ne répond pas à leurs attentes qui nécessitent pourtant une réponse.
Quelles perspectives pour l’élection du président ou de la présidente ?
Le jeu des primes majoritaires et de l’attribution au plus fort reste de certains sièges fait apparaître un conseil d’administration plus équilibré mais aussi plus incertain. Alors que certains redoutaient (ou espéraient) une gouvernance personnelle, l’EPE supposera une bonne part de logique parlementaire, ce qui est, de mon point de vue, une très bonne chose.
Bloc | Sièges |
Élan collectif | 9 |
Servir | 4 |
Alternative | 6 |
Étudiants contre l’EPE | 3 |
Autres personnels | 3 |
Autres étudiants | 3 |
Représentant écoles | 1 |
Extérieurs nommés | 8 |
Extérieurs élus [3] | 7 |
Total | 44 |
Majorité absolue | 23 |
Total élu.e.s hors extérieurs | 29 |
Total élu.e.s hors extérieurs élus | 37 |
Plusieurs phénomènes semblent apparaître à la lecture de ce tableau :
– Comme on l’a dit, il n’y a pas de majorité nette au sein des élu.e.s représentant la « communauté universitaire » de l’établissement au sens strict, c’est à dire hors extérieurs.
– Les listes qui n’ont pas remis en cause l’EPE (« Élan collectif » et « Servir ») totalisent 13 voix au minimum et les listes opposées (« Alternative... », « Unef et Alter’Eco ») 9.
– De ce fait, aucune liste ne peut espérer avoir la majorité absolue en ne comptant que sur les voix des élu.e.s. Le rôle des extérieurs s’avérera déterminant dans tous les cas.
Des bases claires et cohérentes pour une nouvelle étape électorale
Le processus électoral n’est pas achevé et l’élection des 7 extérieurs prévue par les statuts va s’avérer extrêmement importante [4]. Mais elle sera déjà arbitrée par les 8 extérieurs nommés ès qualité. Il est fort probable que cette élection soit l’enjeu de coalitions multiples.
La question qui se pose est de savoir sur quelle base se feront ces alliances. Il serait tout à fait désastreux que la communauté universitaire construise son avenir sur la base d’accords opaques. Certaines candidatures ont été dictées par les circonstances dues au retrait de la course du président sortant. Il ne faudrait pas que les possibles alliances soient également des rapprochements de circonstance et qu’elles aboutissent à des accords sans cohérence sur le fond. La campagne électorale a déjà montré qu’elles étaient les bases de divergence ou d’accord possibles. Il serait donc tout aussi désespérant de voir les personnalités extérieures constituer l’arbitre de contradictions internes à notre communauté universitaire que de voir cette dernière condamnée à des bricolages improbables.
Chaque liste doit donc prendre clairement ses responsabilités, au-delà de considérations personnelles, en affichant clairement ses intentions et en les faisant connaître largement. Pour ne pas entièrement dépendre des personnalités extérieures, la future élection à la Présidence de l’Université de Lille peut nécessiter des coalitions. Encore faut-il que ces dernières reposent sur des bases cohérentes et portées à la connaissance de l’ensemble de la communauté.
[1] Contrairement à l’usage, j’ai inclus les nuls et blancs dans ce calcul mais en faisant de même pour les deux années
[2] Il faudrait en toute rigueur comparer ces taux avec ceux de la répartition des personnels dans l’ensemble de l’Université
[3] Ces membres extérieurs sont élus par les autres membres du CA
[4] Cette élection se fait à la majorité simple